Haïti au bord de l’asphyxie morale : quand la corruption devient système
- Joel Agoudou
- 10 avr.
- 2 min de lecture
Par Celiscar Marie Fednard
Juriste – Secrétaire / fednardceliscar26@gmail.com / +509 4469 5663
Première république noire indépendante, Haïti, jadis flambeau de liberté, s’enfonce aujourd’hui dans une crise morale et institutionnelle alarmante. La corruption, loin d’être un accident de parcours, est devenue le socle même du fonctionnement de l’État. L’intégrité, la compétence et la probité sont reléguées, tandis que la loyauté clanique et le silence acheté dictent les règles du jeu.

1. L’impunité comme règle d’État
Les institutions publiques sont devenues des zones de non-droit, où les postes sont attribués en récompense de fidélité politique. Les organes de contrôle comme la Cour des comptes, l’ULCC ou l’UCREF sont affaiblis, manipulés ou inactifs. L’impunité n’est plus l’exception : elle est la norme.
2. Inverser les valeurs : quand la compétence devient une menace
Dans une administration minée par la médiocrité, toute compétence dérange. Les profils honnêtes et qualifiés sont systématiquement écartés. Les jeunes, formés et motivés, sont confrontés à un système qui valorise la soumission plutôt que le savoir-faire, ce qui alimente l’exil massif des talents.
3. Le silence acheté : un outil de gouvernance cynique
La corruption moderne s'appuie sur une stratégie perverse : coopter ceux qui détiennent des informations sensibles. Journalistes, cadres ou anciens agents se voient offrir des postes en échange de leur silence. Le message est clair : « tais-toi et tu seras récompensé ».
4. Des nominations à visée politique
La majorité des postes sont attribués non selon les compétences, mais pour neutraliser ou récompenser. Il suffit de se montrer bruyant sur les réseaux ou menaçant pour le pouvoir, pour être intégré au système. Un recyclage continuel d’incompétence orchestré par le clientélisme.
5. Intellectuels en exil, presse sous pression
La parole critique se fait rare. Les intellectuels sont soit réduits au silence, soit achetés. La presse libre, elle, fait face à la répression, aux menaces, ou à la cooptation. La diffamation est devenue un outil courant pour discréditer les opposants.
6. Institutions paralysées, gouvernance figée
Ministères, mairies, directions générales : partout, la même logique. Absence de vision, favoritisme, passivité. Ceux qui dirigent savent que leur pouvoir repose sur leur silence, non sur leurs résultats.
7. Réseaux sociaux : terrain de manipulation
L’espace numérique, au lieu de stimuler le débat citoyen, est infiltré par des campagnes de désinformation, de faux profils et de menaces ciblées. La vérité s’y noie dans un océan de confusion orchestrée.
8. Une jeunesse sacrifiée
Les jeunes, à qui l’on promet méritocratie et progrès, découvrent un système fermé, cynique, hostile au changement. Déçus, ils fuient ou finissent, par contrainte, à reproduire les pratiques qu’ils dénonçaient.
9. Une nation en péril
La corruption freine les investissements, sabote les services publics, nourrit la violence et détruit la confiance sociale. Aucune réforme sérieuse ne peut prospérer tant que l’impunité reste un mode de gouvernance.
Conclusion : pour une rupture urgente
Haïti ne pourra se relever sans une rupture claire avec ce système toxique. Il faut restaurer la méritocratie, protéger les voix critiques, punir les corrompus, et rebâtir des institutions solides. Cette révolution morale ne viendra pas d’en haut, mais d’une société civile éveillée, d’une presse engagée, et surtout, d’une jeunesse qui refuse de se taire.
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